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Yukido, la voie du ki joyeux

December 2017
落葉掃き 終へしさ庭の 木影かな

Balayant les dernières feuilles au sol

dans le jardin d’hiver
sous l’ombre douce des arbres

(Akiko Noguchi)

Ma pratique s’appelle YUKIDO : Yu-Ki-Dō ou 愉気道 en japonais.

Pourquoi ce vocabulaire exotique ? Il provient d’une pratique japonaise du soin, le Noguchi seitai. En adoptant ce terme, je rends hommage à Itsuo Tsuda qui a transmis le mouvement régénérateur en Europe, et à son maître, Haruchika Noguchi, le fondateur du seitai.

Seitai et reboutage sont les deux ingrédients du yukidō. Étienne Chambonnet, le rebouteux qui m’a transmis son don était, sans le savoir, très proche du seitai.

Chaque syllabe du mot yukidō désigne un aspect caractéristique du soin tel que je l’ai mis en œuvre depuis 30 ans. Il faut le lire en verlan pour l’expliquer…

DO (道) signifie « mouvement », comme dans judō qui veut dire « la voie de la souplesse » ou kendō « la voie du sabre ».

KI (気) est un des mots les plus fréquents de la conversation des Japonais, et une clé pour approcher leur culture.

En Occident, l’équivalent serait le spiritus et le conatus des Latins, le pneuma des Grecs… Dans les ouvrages d’Itsuo Tsuda, ki est traduit par : souffle, attention, force de cohésion, instinct, intuition. Ces définitions évitent de matérialiser le ki en le confondant avec ce qu’il anime : des flux, des vibrations etc. Tsuda nous rappelait que ce n’est pas une grandeur quantifiable — que l’on pourrait additionner ou soustraire.

Le ki est donc une notion qualitative, fruit d’une mise en relation, indissociable de l’idée de « changement ».

YU (愉) veut dire « joie ». Yuki : la plénitude du ki.

Faire le yuki, c’est ce que font les mains lorsqu’elles accompagnent les capacités d’autorégénération d’une personne, favorisant sa guérison tout en la rendant de plus en plus autonome.

Quand le fond rejoint la forme

On me demande souvent : « Est-ce que le fait d’apposer vos mains pour faire un soin vous fatigue ? »  Cette question vient probablement des tout débuts de la « pensée magique » qui voit dans le soin par les mains un « donneur » et un « receveur », deux termes adoptés par les magnétiseurs. La personne qui soigne est sensée donner une bonne énergie, celle qui reçoit se déleste par la même occasion de ses mauvaises énergies, avec le risque d’en charger le donneur.

Or, pendant l’exercice du yuki, nulle fatigue. Ce serait même plutôt l’inverse : en accompagnant, je m’accompagne. Le pouvoir des mains ne réside pas ici dans une énergie que je saurais transmettre, mais dans l’adéquation de l’action des mains pour répondre aux besoins perçus.

Noguchi avait pratiqué le magnétisme dès son plus jeune âge à partir des écrits de Mesmer. Mais il était aussi un grand lecteur des textes classiques chinois consacrés à la santé, développant la notion de Qi (Ki en japonais). On pourrait dire que l’évolution du seitai s’est faite par ce cheminement qui a conduit Noguchi du magnétisme au ki.

Voici ce qu’écrivait, en 2002, Yuusuke Noguchi à propos de ce changement fondamental opéré par son père :

À l’origine, le terme 愉気 était écrit 輸気. On le lisait « yuki » et cela signifiait «気を輸る » (ki wo okuru ) : envoyer, donner, transmettre le ki. Plus tard dans sa vie, Noguchi Sensei a remplacé le premier kanji 輸 par 愉 qui veut dire « tanoshii », joyeux, plaisant. Il se prononçait encore « yuki », mais sa signification était contraire au kanji « okuru » qui donnait l’idée d’une transfusion de sang ; autrement dit, si vous aviez suffisamment de ki, tout ce que vous faisiez était d’ajouter ou de transfuser du ki, ou quelque chose de ce genre.

Noguchi Sensei disait qu’il détestait cette image et c’est pourquoi il a modifié le kanji en « tanoshii ». Quand il a fait cela, c’est assez étrange, mais le caractère/la nature du yuki a changé aussi. Avoir modifié la nature du yuki fut un grand accomplissement.

Il y a plusieurs variantes de ki. Il y a le ki du « sakki » (menaçant), le ki de « jaki » (malveillance), et finalement, une personne pourrait vous envoyer « okuru », un ki bizarre capable de vous faire du mal. Aussi, « tanoshii ki », un ki heureux, est-il meilleur, n’est-ce pas ? Noguchi Sensei disait : « Cela exprime le plaisir vague et brumeux de la lumière au travers d’une cloison en papier (shōji). » Chacun d’entre vous va envelopper son partenaire à l’entraînement avec cette sensation agréable, et c’est cela que nous appelons yuki.